Today's the day, that I start to pray - Matthew & Elizabeth

Avec un certain désespoir, Elizabeth fixait la voiture qui allait la conduire au domaine des Wilson. La respiration courte, son coeur battant mille à l’heure tandis que la jeune femme tentait vainement de rester calme face à cette situation. Toute sa matinée, sa vie avait été conditionnée pour ce maudit mariage qu’elle ne désirait point. Son père qui l’avait rejoint peu de temps après sa venue sur cette maudite terre, souriait comme jamais elle ne l’avait vu auparavant. Il semblait heureux de cette rencontre, ne cessant pas ses piques et remarques acerbes pour qu’elle remplisse parfaitement son rôle. Un rôle qui ne lui convenait guère mais qu’elle se devait d’accomplir pour le bien financier de sa famille. Elle devait monter mais ses jambes refusaient même de l’écouter. Si Elizabeth les avait écoutés, elle serait sans aucun doute partie aussi loin que celles-ci pouvaient l’amener. Loin de cette farce, de cet homme, de son possible époux que son père avait choisi pour elle. Tout lui avait été retiré sous prétexte qu’elle n’était qu’une femme. A cause de cela, elle n’avait pas le choix de faire ce qu’elle désirait, même de choisir sa toilette en ce jour. Une robe à la couleur blanche crème aux subtiles nuances orangées qui la dérangeait dans chacun de ses mouvements, un maquillage des plus simples qui permettait de mettre en valeur sa “beauté naturelle”, ses longues boucles noires serrés dans un chignon qui laissait entrevoir certaines mèches dans un effet moins stricte de la coiffure. Un chapeau qui reprenait les mêmes couleurs que sa robe afin de compléter l’illusion d’une jeune femme parfaitement convenable et prête à se marier. Tout cela n’était qu’une farce, Elizabeth avait l’impression d’être une peinture à vendre aux enchères pour les besoins financiers de son père. Non pas qu’il en avait besoin véritablement, sa fortune était plus que correcte, mais la jeune femme savait que la cupidité de son père n’avait pas de limite. Il préférait “vendre” sa fille aux mains d’un homme dont ils ignoraient tout pour ne serait-ce que voir sa fortune s'agrandir. Après un dernier regard vers sa nouvelle demeure, Elizabeth finit par rejoindre son père dans la voiture, qui aux yeux de son père allait sceller sa destinée. Celle qu’elle désirait le moins. Se marier. Il ne fallait pas se méprendre, la jeune femme n’avait rien contre le mariage en soit, mais elle ne cautionner aucunement ce genre de mariage. Les mariages arrangés. Elizabeth avait cette horrible impression d’être traitée comme un bout de viande dans une fosse de lions affamés.

-Elizabeth, vous avez tout intérêt de vous comporter de la manière respectable qu’il soit. Ce mariage est une aubaine pour notre famille et pour mes investissements, répéta pour la quatorzième fois depuis ce matin, son père d’un ton exigeant.

La jeune femme opina doucement de la tête avant de déglutir, ne voulant absolument pas répondre à cette phrase. Elizabeth avait bien trop peur de ce qui pouvait en ressortir, mais elle était sûre que quoi que cela puisse être, rien de bénéfique n’en ressortirait. Son père ne l’avait jamais écouté lorsqu’il s’agissait de sujets moins triviales que des robes ou des toilettes. Nicolas Morrison avait toujours été des plus exigeants avec sa fille, refusant de l’écouter lorsqu’il s’agissait de politiques ou même de ses affaires. Etait-elle trop stupide selon lui pour comprendre de quoi tout cela en retenait ? Sans doute. Son regard de biche finit par se détourner des paroles de son père qui lui répétait ce qu’elle devait faire, comment se tenir. Belle et silencieuse. Elizabeth l’avait bien trop compris. Les maisons défilaient rapidement devant elle tandis qu’elle s’amusait à toucher son camée autour de son cou. C’était son collier préféré, la pierre bleutée de lapis-lazuli rendait un bleu sans pareil et faisait ressortir le portrait de la jeune femme en son centre.

Bien vite, ils arrivent à destination et Elizabeth s’arme de courage et de patience pour finalement offrir un sourire à son père. Se montrer sous son meilleur jour, ne pas lui faire honte, c’est facile ça, non , Elizabeth ? Pensa-t-elle tandis qu’elle descendit de la voiture, observant le domaine avec un petit sourire doux peint sur le visage. La tension était grandissante dans son corps, qui refusait de répondre à son esprit. Elle se laissa guider par son père, offrant à tout le monde , sa meilleure version d’elle-même. Manière impeccable, sourire impeccable, les mots impeccables. Elizabeth eut une brève discussion avec le père de son futur promis avant d’être amené dans une autre pièce avec sa domestique.

Dans ce vaste salon, Elizabeth attendit en observant les jardins depuis la grande fenêtre, touchant son collier comme elle le faisait toujours. Elle rêvait de pouvoir partir,courir,  s’imaginant même de pouvoir tomber par la fenêtre pour s’enfuir de ce moment ridicule, mais elle ne fit rien. Tout simplement parce que son père lui avait ordonné et qu’elle ne voulait surtout pas créer des ennuis envers lui. Elle voulait partir mais elle ne pouvait pas le faire sans avoir aucune conséquence. Alors, Elizabeth restait là, observant la liberté de loin, sans rien dire.

La porte s’ouvrit mais Elizabeth ne bougea pas malgré la petite toux de sa domestique pour lui annoncer qu’une personne venait de rentrer.

Un mariage arrangé. Je n’ai jamais désiré cela, mais père a décidé de me présenter la fille d’un de ses amis dans l’espoir que je lui fasse la cour et que cela nous amène à des fiançailles. Mais je n’en ai pas envie. Mon cœur est déjà pris par une autre demoiselle et j’ai espoir, peut-être un peu trop parfois, que mes sentiments soient réciproques un jour. Mais la promesse avec son frère me bloque sinon je ferais la cour à Prudence. Je sais que père mise beaucoup d’espoir sur ce mariage, car il agrandirait sa fortune et s’ouvrirait sur un nouveau marché, en plus de celui du thé.

Je soupire une énième fois, fermant les boutons de ma chemise alors que son père et la demoiselle doivent venir prendre le thé pour que nous puissions faire connaissance. Mais je n’en ai nullement l’envie. Mon père m’a répété plusieurs fois de bien me tenir et de m’intéresser à la demoiselle, de lui faire la conversation. Je n’ai pas envie de le décevoir bien sûr, et je jouerais le jeu, pour aujourd’hui tout du moins, mais Prudence envahit mes pensées constamment et il n’y a qu’elle qui m’intéresse. Bien sûr, j’essaye de voir d’autres demoiselles, après tout son frère veut qu’elle se marie à un homme titré. Et puis si ça se trouve, elle me considère simplement comme le meilleur ami de son frère et c’est tout.

On m’annonce que la famille Morrison est arrivée et après avoir soufflé une dernière fois, je descends l’escalier pour rejoindre le petit salon. Sourire de façade sur les lèvres, j’entre dans la pièce et voit la jeune demoiselle près de la fenêtre, observant l’extérieur. Je me rends près de son père et le salut comme il se doit, attendant qu’on me présente alors la demoiselle. Je m’avance donc jusqu’à elle et lui offre un sourire.

- Je suis enchanté de vous rencontrer Miss Morrison.

C'est faux.