« Je ne peux pas le garder ! » avait été les premiers mots prononcés par la génitrice de  Elisemee; à propos de l'être qui poussait indubitablement dans son ventre. « J'ignore comment faire, mais il va falloir qu'il sorte de là et au plus vite ! » avait été la suite prononcé en toute hâte par la jeune femme à sa femme de chambre. Il était impossible de garder cet enfant, alors qu'à l'autre bout du couloir, son mari n'était pas dans la confidence et qu'un héritier avait déjà été donné.
Les miracles n'ont pas leur place quand la jeune femme a tout fait pour glisser les mots qu'il fallait pour indiquer qu'il ne lui était plus possible de concevoir d'autres enfants.
Si personne n'en connaissait la vraie raison, à savoir : qu'elle ne couchait plus avec son idiot de mari, elle avait laissé entendre qu'elle était inapte à porter de nouvelles générations.
Sa santé "fragile" lui interdisait de pouvoir donner un petit frère ou une petite sœur à son William. Du moins, cela était la version donnée pour qu'on ne lui demande pas constamment : Et donc, les prochains sont pour quand ? Ainsi, elle pouvait aller batifoler dans les champs avec son amant, sans devoir en plus de cela être obligé de voir son mari plus que nécessaire.

Ce dernier n'étant pas au courant de ses incartades, il n'était pas possible de mentir sur la provenance de l'enfant à naître, il fallait donc trouver une autre solution. Et finalement, c'est en regardant sa femme de chambre à l'embonpoint certain qu'elle a eu l'idée de faire passer son enfant pour celui de son employée. Ainsi, la grossesse passerait quelques peu inaperçu chez cette femme, suffisamment longtemps pour cacher son ventre naissant jusqu'à ce qu'elle ne prétexte vouloir rendre visite à sa famille et accouche à l'écart des regards.

Elisemee était ainsi née dans un petit cottage à l'écart de la ville, faisant ses premiers pas sur une terre qui n'était pas la sienne, pour se retrouver dans les bras d'une femme qui n'était pas sa mère. La femme de chambre avait joué le jeu parce que sa maîtresse était bonne avec elle, que cette dernière lui avait promis d'aider à entretenir la jeune enfant pour qu'elle ne soit pas non plus un point trop lourd à porter et qu'elle avait un mari pas regardant même face à la chevelure rousse qui n'était pas de son fait.
Ainsi,  Elisemee a été élevée auprès d'une femme qui n'était pas sa mère, non loin de sa génitrice du fait du travail de Margareth (la mère adoptive).
Elisemee a couru de long en large dans les couloirs de la grande maison comme si cela avait la sienne, juste parce qu'elle suivait la sage femme continuellement, l'admirant et apprenant toutes les tâches d'une domestique, prête à prendre la relève le jour venu, tout en rêvant d'une vie que sa mère lui contait sans véritablement connaître elle-même.

Elisemee s'était lié d'amitié avec William, l'enfant légitime et ils étaient rapidement devenu inséparable. Pas la moindre idée derrière la tête, il était clair pour eux d'eux, que leur amitié n'irait jamais plus loin, se voyant comme des compagnons de jeu et des confidents, rien de plus.

Tout allait changer quand la maîtresse de maison et mère de William est tombée malade, un mal incurable qui allait l'emporter rapidement et douloureusement. Entre deux quintes de toux, elle avait fait mander  Elisemee qui était monté avec William, qui n'avait pas pu s'empêcher de la suivre. L'instinct dont il faisait preuve laissait toujours  Elisemee admirative, tant est si bien que quand cela lui prenait, elle le laissait prendre les devants. Mais pas cette fois, elle était entrée la première dans la chambre de sa maîtresse, tête baissée, prête à recevoir une réprimande quelconque pour avoir oublier de réchauffer le lit ou bien, mal nettoyer la cheminée, mais il n'en était rien.

« Tu es... ma fille. Tu es mon sang... » Et peu après cette révélation, elle s'était éteinte en serrant la main d'Elisemee, abasourdie et incapable d'ajouter quoi que ce soit. C'est Margareth qui lui a fourni toutes les explications, à elle et à William, qui avait suivi  Elisemee dans une autre pièce. Elle avait été tenté d'en rire depuis le début des révélations, alors elle a fini par briser le silence pour partir dans un rire franc et incontrôlable. C'était nerveux, tout sauf digne d'une dame, mais son cerveau s'était fermé à la raison.
Puis, après avoir retrouvé son sang froid, elle s'était renfermé et n'avait plus prononcé le moindre mot durant trois jours jusqu'à ce que, sans prévenir, elle se mette à tout saccager dans sa petite chambre exiguë et ne crie sur sa mère adoptive toute la rancœur que lui inspirait sa vie mensongère.

Puis il avait fallu déménager. Aussi brutalement que l'annonce d'une vie volée, arrachée à son existence parce que si il n'y avait plus de maîtresse de maison, il n'y avait plus besoin de femme de chambre et  Elisemee était incapable de rester là à voir défiler ce que sa vie aurait pu être. Puis, elle n'arrivait pas à laisser malgré tout Margareth, après tout, elle l'avait tout de même soigné, éduqué et elle restait davantage sa mère que celle qui était décédée deux étages plus bas.
Alors elle avait fait ses bagages, dit au revoir à William et avait fait sa vie ailleurs.

Margareth était devenue couturière, auprès d'une femme à la réputation grandissante et  Elisemee avait rencontré celui qui allait devenir son premier époux.  Elisemee venait d'avoir vingt-et-un ans quand elle a épousé Charles, si ce dernier n'était pas un mauvais bougre, ça n'était pas non plus le grand amour. Elle le trouvait gentil, il possédait une petite boutique dans une rue adjacente et surtout, ils s'entendaient bien. Puis, il était temps qu'elle épouse un gentil homme afin de ne plus être un poids pour Margareth, cette dernière étant enfin soulagé malgré tout de pouvoir souffler.

Elisemee a eu une fille, Brianna, de son premier mariage qu'elle a élevée comme Margareth l'avait élevé, les mensonges en moins. Si elle n'était pas le fruit d'un amour inconditionnel, elle était le fruit d'une passion tendre et sans reproches.
Puis, alors que sa fille venait de fêter ses cinq ans, Charles a fait une crise cardiaque.  Elisemee s'est alors retrouvée veuve à vingt-sept ans, la laissant avec une affaire peu florissante sur les épaules et une enfant déchirée par la perte de son père.
Elisemee est parvenue a garder la boutique de son défunt mari, jusqu'à ce qu'une lettre ne viennes bousculer son quotidien.

Si elle attendait toujours avec impatience des nouvelles de son désormais demi-frère, c'est fébrilement qu'elle a reposé la lettre lui annonçant la mort du père de William. Si cela n'avait été que cela, elle aurait sans doute réagi autrement, mais William lui annonçait qu'il allait prendre nouvelle épouse et qu'il avait donc une question à lui poser. Si l'instinct dont elle était doté n'était pas aussi infaillible que celui de William, elle en possédait tout de même et ce jour-là, elle avait pressenti ce qu'il allait lui demander.

Quelques jours plus tard, il était à sa porte et après une longue conversation teintée de retrouvailles chaleureuses, cette dernière s'était ternie à l'annonce de William : « Elisemee, épouse-moi. » Et ce jour-là, son rire éclatant, sincère lui ai sorti sans discontinué jusqu'à ce qu'elle en est la tête tournante et qu'elle ne soit plus en mesure de respirer.
Seulement après ça, elle a repris ses esprits et lui a dit qu'il avait perdu l'esprit, qu'il était impossible d'agir de la sorte, comment pouvait-il penser qu'elle aurait accepté ? Comment, alors qu'ils étaient frère et sœur ? Mais voilà, personne ne le savait dans toute l'Angleterre, mise à part Margareth et William. Pour les autres, elle était fille de femme de chambre, amie d'enfance du Gentleman qui lui faisait face et cela allait être perçu comme romantique et rien de plus. Quoi de plus beau que deux amis se retrouvant après des années, se rendant compte que les années n'avaient pas effacé l'affection éprouvée par les deux parties ?

William n'avait pas d'héritier, malgré un mariage actif, il n'avait pas eu d'enfants et il avait vu là le signe qu'il lui fallait aider sa sœur. Il avait perdu sa première femme en couche après la deuxième grossesse menant à la perte non plus seulement de l'enfant, mais également de jeune femme.
Alors William avait pensé à Elisemee qui, si elle n'avait pas eu de garçon, avait eu une fille et c'était ça... De plus,  Elisemee n'avait hérité de rien, cela ne serait que justice après tout.

Alors cette dernière avait fini par accepter, pour un avenir meilleur tant pour elle que pour sa fille. Ils se sont marié après une courte cérémonie emplie de fleurs blanches, d'invités peu nombreux, ils avaient conté comment ils s'étaient retrouvé à qui voulait bien les écouter. Faisant preuve de romantisme, il montrait un couple uni, heureux l'un avec l'autre et amoureux. Ce dernier point pêchait cependant, il n'y avait là rien d'un amour que l'on porte à son âme-sœur, il n'y avait que l'amour fraternel et cela leur suffisait.

Derrière les murs de la grande maison qu'elle s'était vue à nouveau arpenter en étant de l'autre coté de la barrière cette fois, la joie et la bonne humeur éclatait toujours jusqu'à ce que William ne tombe malade à son tour.
Elisemee s'est mise à jouer les infirmières pour lui, refusant que quiconque ne s'occupe de lui à sa place. Seuls les médecins pouvaient s'en approcher, mais jamais sans sa présence.
William a finit par lui dire qu'il avait souhaité l'épouser tant qu'il le pouvait encore, parce qu'il avait été mis au courant qu'il était malade. Les médecins ne lui donnaient pas longtemps à vivre, mais il avait réussi à tenir au delà des pronostics, persuadé alors que c'était la présence de la si pétillante  Elisemee à ses cotés, qui l'avait fait tenir.

Il aurait pu trouver une autre épouse et avoir des héritiers mâles, mais l'amour qu'il portait à sa sœur valait plus que le reste.
William est finalement mort le jour de l'anniversaire de Elisemee, il y a un an. William n'ayant eu aucuns héritiers, c'est sa fille adoptive qui a obtenu les terres grâce à son mariage. Offrant à son époux les terres de William, laissant tout de même une rente à son épouse et sœur : Elisemee.

Tout ceci pourrait s'arrêter là si des rumeurs ne courraient pas sur Elisemee, laissant penser qu'elle aurait empoisonné William malgré l'amour qu'ils se portaient mutuellement. Cela paraissait trop beau pour être vrai, non ? Certains ne pouvaient s'empêcher de penser qu'elle ne jouait pas franc jeu et qu'elle avait peut être accepté de l'épouser pour la position sociale : aussi petite soit-elle... mais permettant d'offrir à sa fille une belle demeure et un avenir assuré.

De plus, qui se permettrait de se parer d'un large sourire enjôleur si ce n'est pour trouver une nouvelle victime à dépouiller ?